L’Opus Dei a été approuvée par le Vatican en 1950. Le pape Jean-Paul II en a fait une prélature personnelle en 1982. Cela signifie qu’elle ne dépend que de lui et court-circuite toute l’organisation hiérarchique catholique, y compris les rouages de l’administration vaticane. Son prélat est depuis 1994 l’évêque espagnol Javier Echevarria, né en 1932. Le fondateur a été béatifié par Jean-Paul II en 1992. On pense généralement que le pape Jean-Paul II était affilié à l’Opus Dei via la société sacerdotale de la Sainte-Croix, qui est la branche séculière de la prélature pour les prêtres diocésains. Il faut noter que l’appartenance à l’Opus Dei est normalement secrète. Ce qui est sûr, c’est que le couple Poltawski, qui a servi de famille à Jean-Paul II à Cracovie après la disparition de ses parents, en est membre.
Enquête sur les «francs-maçons» du Vatican
Chaque matin, ils se lèvent et baisent le sol, poitrine contre terre. Chaque matin, ils remercient le ciel de les avoir accueillis dans la Grande Maison. Ils n’ont plus peur du jour ni de la nuit. Ils sont en mission. Leur seul objectif: devenir des saints. Ils ne sont ni prêtres ni séminaristes. Ils sont banquiers, agents de change, chercheurs, professeurs d’université, chirurgiens, chefs d’entreprise, cadres supérieurs, journalistes. Ils croient dur comme fer qu’ils peuvent atteindre la perfection chrétienne sans porter la soutane ni se retirer hors du monde dans un monastère. Ils sont laïques et fiers de l’être. Le «Père» leur a garanti que cela pouvait marcher: on peut devenir saint François d’Assise ou saint Paul en restant au bureau et en gagnant beaucoup d’argent. Le «Père», Jose Maria Escriva de Balaguer, n’est-il pas devenu lui-même un saint, par la grâce de Jean-Paul II, en 1992? Le Père a donné la recette de la sainteté pour les laïques dans un ouvrage, «Camino» («le Chemin»), paru en 1934, vendu à 4 millions d’exemplaires et traduit en 35 langues. Cette bible est le livre de chevet de tous les membres de l’Opus Dei. Elle contient 999 pensées de saint Jose Maria. La pensée numéro 16 dit: «Te laisser aller, toi?… Ferais-tu donc partie du troupeau? Alors que tu es né pour commander?» . Le Père, on le comprend très vite en feuilletant «Camino», n’est pas un gauchiste. Il exhorte ses troupes à sortir du troupeau. Le Père est un élitiste. Il ne voit les enfants de Jésus-Christ que dans les conseils d’administration et dans les laboratoires de génie génétique. Il laisse les pauvres à l’abbé Pierre et à Mère Teresa. Chacun son créneau. Jose Maria Escriva de Balaguer a eu une révélation vers la fin des années 20. Dieu lui a demandé de sauver l’Eglise. Dieu lui a soufflé la méthode, le vade-mecum pour réussir le sauvetage du Saint-Siège, avant la fin du siècle si possible. Selon Balaguer, le clergé libéral, trop laxiste, ouvert aux quatre vents de la société, va irrémédiablement condamner Rome à la déchéance et à la disparition. Comment sauver le Vatican, ce «Titanic» de la religion catholique, du désastre? En créant une armée de moines en civil, des catholiques purs et durs, intégristes mais laïques, prêts à tous les sacrifices. Des croisés de l’ordre moral en costume trois pièces. Des apôtres discrets, presque invisibles, qui ont pour tâche de monter le plus haut possible dans les sphères du pouvoir, qu’il soit politique, économique ou culturel. Un coup de génie. Aux jésuites, aux dominicains l’évangélisation des favelas; à l’Opus Dei la christianisation des fumeurs de gros cigares.
Cinquante après, le Padre a réussi son pari. Aujourd’hui, l’Opus Dei est une grosse machine à fabriquer du catholique haut de gamme. Elle tourne à plein rendement. Elle compte plus de 80000 membres dans le monde, dont 2000 prêtres. Elle a pratiquement pris le pouvoir au Vatican (voir l’article de Marcelle Padovani page 20) et est devenue une puissance économique considérable. «On peut estimer, souligne Christian Terras, directeur de la revue catholique « Golias », que l’Opus Dei brasse aujourd’hui entre 20 et 30 millions de dollars par mois, sans compter tous les biens immobiliers qu’elle possède aux quatre coins du globe. Ce pouvoir économique pèse sans le moindre doute sur les décisions qui sont prises à Rome.» En 1994, l’Opus Dei ne sent plus le soufre. L’organisation qu’on appelait il y a quelques années «la Sainte Mafia» ou «la franc-maçonnerie blanche» est devenue respectable. Elle s’est notabilisée. Et pourtant il y a peu elle était encore en quarantaine. L’Association Défense Famille et Individu, l’association anti-sectes, la présentait comme une usine à fabriquer des psychotiques. On critiquait ses modes de recrutement, dignes de ceux des Enfants de Dieu ou des disciples de Moon, sa discipline de fer, ses règlements médiévaux: obéir aveuglément à son supérieur, prier toujours, souffrir en s’autoflagellant régulièrement ou en portant le cilice, ce bracelet hérissé de pointes que l’on serre comme un garrot autour de la cuisse ou du bras, dormir sur une planche, faire vœu de chasteté. Et surtout donner tout son argent à l’oeuvre sans discuter. .
Maria Angustias Moreno est sévillane. Elle enseigne la théologie au centre San Telimo, dans la capitale andalouse. Elle fut pendant plus de vingt ans une des responsables du secteur femmes de l’Opus Dei. Après beaucoup de difficultés, elle est parvenue à en sortir. Elle a écrit de nombreux livres de combat contre l’Œuvre, qu’elle qualifie de «société secrète» (3). «Des dizaines et des dizaines de milliers de familles pleurent la perte de leurs enfants, que l’on a éloignés d’eux, affectivement, intellectuellement, géographiquement [envoi dans des pays étrangers] et dont souvent on a accaparé les biens et les héritages en leur faisant signer des testaments dont ils ignorent les implications, raconte Maria Angustias Moreno. Quand ils parviennent à sortir de l’Œuvre, ils ne peuvent rien reprendre de ce qu’ils ont donné, ils n’ont droit qu’à ce qu’ils portent sur eux…» Au sein de l’Opus Dei, cette accusation fait sourire. «Tout cela est absurde, dit François Gondrand, l’un des responsables de l’Opus Dei en France, ancien directeur de la communication du CNPF et auteur d’une biographie de Jose Maria Escriva de Balaguer aux éditions le Laurier. «On voit mal comment quelqu’un qui vit dans le monde, souvent dans des milieux de haute compétition, dans les affaires, le journalisme, l’administration, pourrait être à ce point enfermé. Nous ne sommes pas des ayatollahs chrétiens. Notre doctrine, c’est celle de l’Eglise. Nous adhérons aux documents de la théologie de la libération, que ce soit sur les questions sociales ou morales. Chez nous, on pense ce qu’on veut. Il n’y a pas d’idéologie de l’Opus Dei.»
Comment pourrait-on croire en effet qu’une secte d’intégristes catholiques soit devenue en quelques années la garde prétorienne du pape et se soit emparée en catimini de nombreux postes clés au cœur même de la curie romaine? . Pour comprendre la singulière ascension de cette armée de l’ombre, il faut faire un peu d’histoire. En 1928, quand Jose Maria Escriva fonde l’Opus Dei, il a 26 ans. D’origine aragonaise, fils de mercier, Escriva est un étudiant en droit enjoué, coquet, très catholique, mais qui n’a pas la moindre intention de devenir prêtre. Sans doute pour des raisons économiques, il choisit le séminaire et part vivre à Madrid. Le tout jeune abbé surgit dans une ville en pleine ébullition. L’époque est à l’anticléricalisme violent. Au cours de la guerre civile, Escriva échappe de justesse à la mort en se cachant durant des semaines au consulat du Honduras, puis en s’enfuyant pour la France, et enfin pour Burgos, où il rejoint les troupes franquistes. Escriva a vu des dizaines de prêtres se faire assassiner dans leurs églises. Il a été traumatisé par les massacres de religieuses. C’est sans doute durant sa clandestinité que le jeune prêtre a élaboré sa théorie du «moine en civil», du religieux clandestin mettant sa croix dans sa poche en attendant des jours meilleurs. En fait, Escriva a conçu l’Opus Dei comme une organisation de résistance contre le marxisme. Principe de base: le secret. Structure: pyramidale. Les cellules de base ne savent rien du sommet et doivent se contenter de travailler dans leur propre secteur, sans poser de questions. L’obéissance au chef doit être absolue. Comment recruter? En s’installant près des grandes universités. On crée des résidences pour étudiants, des centres culturels. Le message délivré aux jeunes recrues? La «sanctification par le travail». Traduisez: un bon menuisier, s’il travaille avec amour et dans la piété quotidienne, peut prétendre à la sainteté; un bon banquier, s’il gagne beaucoup d’argent mais en louant Dieu avec ferveur, peut lui aussi prétendre à la béatification. Quand il lance cet étrange slogan calviniste, Escriva se fait traiter d’hérétique. On le dit franquiste inconditionnel? Il est pourtant violemment attaqué par les phalangistes, qui le traînent devant un tribunal de répression de la franc-maçonnerie. L’Eglise espagnole le montre du doigt. Qui est donc cet Escriva qui soutient sans vergogne des thèses calvinistes? On le traite de «judéo-maçon», de «disciple de Weber». Les jésuites se méfient de ce prélat au sourire bon-enfant qui semble posséder une ambition démesurée. Ils n’ont pas tort. Jose Maria Escriva croit en sa bonne étoile. Pour lui-même d’abord. Le fils du modeste mercier aragonais fait ajouter à son nom «de Balaguer», pour la carte de visite, puis réussit à obtenir le titre de marquis de Peralta. Pour l’Opus Dei, son projet est planétaire. Il veut intaller des «résidences» partout dans le monde. Infiltrer les élites pour devenir puissant, afin de peser sur les décisions du Vatican dans le sens d’un retour à l’orthodoxie. Et aussi pour lutter plus farouchement contre le communisme. Escriva veut tout simplement former une armée de Templiers modernes. «Les ressemblances avec les Templiers se rencontrent à plusieurs niveaux: l’aspect militaire, la virilité, souligne le père Vladimir Felzman, ancien proche de Jose Maria Escriva, aujourd’hui prêtre dans une paroisse londonienne. Les Templiers sont partis en guerre pour libérer de l’islam le christianisme et la Terre sainte. L’Opus Dei est en train de libérer le christianisme de ce qu’on peut appeler le modernisme, le subjectivisme, le marxisme, le matérialisme. L’Opus Dei lutte et combat pour retrouver l’âge d’or où tout était parfait et pour retourner au système féodal où tout était à sa place.» Le père Felzman qui fut longtemps séduit par cette croisade d’un autre temps est aujourd’hui très inquiet. L’abbé se souvient de la sympathie qu’éprouvait le père fondateur pour… Hitler. «Il a vu Hitler comme un croisé s’élevant contre le marxisme, raconte Vladimir Felzman. Il faut savoir que chaque membre particulier de l’Opus Dei s’est inscrit comme volontaire à la Division bleue, la fameuse troupe de volontaires qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Allemands contre l’Union soviétique. Son anticommunisme l’aveuglait. Il me disait que l’on exagérait quand on disait que Hitler avait tué six millions de juifs. Hitler, selon lui, n’était pas mauvais. Il n’en avait pas tué plus de trois ou quatre millions! Pour lui, Hitler avait sauvé le christianisme en Espagne. Sans Hitler, Franco n’aurait sans doute jamais gagné la guerre civile.»
Sans Franco l’Opus Dei aurait-elle connu une ascension aussi fulgurante? En dix ans, l’organisation grouspusculaire du petit prêtre aragonais commence à avoir des hommes dans les milieux bancaires et dans le monde politique. Plusieurs ministres de Franco ne cachent pas leur appartenance à l’Opus Dei. Les précepteurs du jeune Juan Carlos sont membres de l’Œuvre. En 1969, l’Opus est à son apogée en Espagne. Sur les 19 membres du gouvernement de Carrero Blanco, 12 sont à l’Opus Dei. Paradoxe: le 17 septembre 1969, les franquistes manifestent place d’Orient à Madrid contre l’organisation. En fait, les dirigeants de l’Opus Dei ne soutiennent plus Franco mais les capitalistes espagnols, qui ont besoin d’ouvrir leurs frontières aux capitaux étrangers. Les moines laïques sont partisans du libre marché. Ils vont donc favoriser la transition démocratique et opter pour une monarchie constitutionnelle à l’anglaise. «C’est eux qui ont suggéré à Franco de choisir Juan Carlos comme futur roi d’Espagne, précise Pedro Lamet, jésuite madrilène, ancien directeur de la revue catholique « Vida nueva ». Alors que Franco se crispait sur un protectionnisme poussiéreux, l’Opus depuis longtemps s’était implantée un peu partout dans le monde. Toujours avec la même technique: la maison mère, l’Opus Dei, est une institution qui fait vœu de pauvreté. En revanche, elle s’entoure de dizaines d’associations qui, elles, peuvent brasser des sommes parfois colossales. C’est très simple, mais terriblement efficace.» Ainsi, dans les années 70, les amis de l’Opus créent des associations à la chaîne. A Londres, la Netherhall Education Association; en Suisse, la Fondation Limmat; au Venezuela, la Fundacion general latino-americana; en Allemagne, la Fondation Rhin-Danube ou encore l’Institut Lidenthal, à Cologne; en Espagne, à Barcelone, la Fundacion general mediterranea; en Belgique, l’association l’Eglise en Détresse; dans les pays de l’Est, Aide aux Prêtres des Pays de l’Est; au Liechtenstein, l’Académie internationale de Philosophie… La liste n’est pas complète. On peut la multiplier par deux ou trois tant ce réseau d’associations joue dans la discrétion. En France, plusieurs sociétés gèrent les biens de l’Opus Dei: la Société anonyme d’Investissements pour le Développement culturel (Saidec) est propriétaire d’un appartement de 300mètres carrés à Paris, 5, rue Dufrenoy, dans le 16e arrondissement; d’un château à Couvrelles, dans l’Aisne; d’un centre culturel féminin de 430 mètres carrés, 18, rue Fargès, à Marseille; d’une école hôtelière à Couvrelles (1300m2), d’un centre cuturel masculin à Grenoble (450m2); d’un centre culturel féminin 46, rue Scheffer, à Paris (480m2), d’une résidence féminine 104, rue du Théâtre à Paris (320m2); d’une résidence féminine à Neuilly (580m2); d’un foyer universitaire 36, rue des Ecoles à Paris (1000 m2). Le président de la Saidec est Patrick Marie André Vetillard, gérant de société.
Une autre association, l’Association de Culture universitaire et technique (Acut), gère d’autres résidences de l’Opus à Rennes, à Aix-en-Provence et à Grenoble. Là encore, on pourrait citer des dizaines de noms, comme par exemple l’Association française Construisons ensemble (AFCE), présidée par la maréchale Leclerc de Hautecloque. Cette toile d’araignée d’associations en tout genre dont l’objet principal est le lobbying réclame de gros moyens financiers. Qui finance la machine Opus Dei? Officiellement, de généreux donateurs. Des sympathisants? Dans une lettre au pape du 26 novembre 1978, Raymond Barre, alors Premier ministre, avait apporté son soutien à l’Œuvre en déclarant, à propos de Jose Maria Escriva, mort en 1975, et pour qui l’Opus menait une campagne auprès du Saint-Siège afin d’obtenir sa béatification: «Ses écrits déjà très largement répandus, l’audience croissante de sa doctrine, claire et sûre, l’action des membres de l’Opus Dei dans les pays les plus divers au service de l’Evangile permettent de penser que Mgr Escriva de Balaguer est une personne qui est marquée par des signes de sainteté.» Ou bien encore l’institution est-elle financée par les chefs d’entreprise qui viennent donner des conférences au Centre Garnelles, officiellement estampillé Opus Dei? Parmi eux citons Claude Bebear, le patron d’Axa, ou encore Michel Albert, patron des AGF, ou encore Didier Pineau-Valencienne, le très catholique PDG du groupe Schneider qui, au sortir de sa prison belge, a dit à la presse: «J’ai lu la Bible.» Tous ces «amis» de l’Opus Dei aident-ils l’organisation? Dans cette galaxie ténébreuse, il est difficile d’y voir clair. Pourtant, quelques scandales, où le nom de l’Opus Dei est apparu, permettent de nous éclairer un peu. En Espagne, en 1982, le milliardaire Ruiz-Mateos, membre de l’Œuvre, a révélé comment il détournait de l’argent de ses sociétés pour le verser aux associations liées à l’Opus Dei. Toujours en Espagne, un autre scandale, l’affaire Matesa, dévoile comment plusieurs centaines de millions de francs ont été détournés pour atterrir sur le compte d’une société luxembourgeoise, la Sodetex, présidée par le trésorier des Républicains indépendants, le parti de Valéry Giscard d’Estaing, le prince Jean de Broglie, assassiné quelque temps plus tard.
Le prince de Broglie était considéré comme un proche de l’Opus Dei. Roland Dumas, à l’époque avocat dans le dossier de Broglie, n’hésite pas à montrer l’Œuvre du doigt: «Une enquête plus approfondie aurait démontré que la Matesa était un instrument de l’Opus Dei espagnole, dont les ramifications s’étendent à l’Europe occidentale, lance Roland Dumas. Aucune investigation n’a été faite du côté des informations judiciaires ouvertes à Madrid et à Luxembourg à ce sujet. L’explication de cette abstention réside sans doute dans le fait que des liens évidents existent entre cette organisation et le parti politique des Républicains indépendants, dont les principaux dirigeants étaient les amis du prince de Broglie.»
Plus récemment, en 1993, un financier et avocat vénézuélien, Alberto Berti, relance la polémique autour du scandale de la banque Ambrosiano et de l’assassinat de Roberto Calvi, le banquier italien proche du Vatican. Il prétend avoir blanchi un montant de 21 milliards de francs pour le compte de la banque du Vatican, l’IOR, l’Institut des Œuvres de Religion, mais aussi pour l’Opus Dei, à travers sa société, Inecclesia. Alberto Berti précise que Roberto Calvi, avant d’être assassiné, lui avait rendu visite pour lui demander des capitaux en toute hâte afin de combler le déficit de la banque Ambrosiano et d’éviter un scandale qui toucherait les plus hautes autorités du Vatican. Deux jours plus tard, Roberto Calvi est retrouvé pendu sous le Black Bridge, à Londres. Qui, finalement, a comblé le déficit de la banque évalué à plus d’un milliard de dollars? A Rome et à Madrid, on raconte que ce sont les financiers de l’Opus Dei qui ont payé. Une chose est sûre: depuis cette époque, le statut de l’Opus a totalement changé à Rome. Désormais, l’Opus Dei est une prélature personnelle du pape. Elle n’a donc de comptes à rendre qu’à lui seul. Elle a pénétré la plupart des secteurs clés du Vatican (voir organigramme). Jose Maria Escriva, après une polémique longue de quinze ans, a été béatifié, sur ordre de Jean-Paul II, le 17 mai 1992, place Saint-Pierre, devant 300000 personnes. Le souverain pontife va régulièrement se recueillir sur la tombe de son ami saint Jose Maria. Autre motif de l’affection du pape pour le fils de mercier devenu saint et marquis. C’est Alberto Berti qui le révèle: «Récemment, un ex-président d’une banque américaine m’a certifié que l’Opus Dei avait pris une part importante dans les donations accordées à Solidarnosc. Cela explique pourquoi l’Opus Dei exerce un pouvoir grandissant sur les affaires qui touchent le Vatican, et notamment au sein des organismes financiers. Les nouveaux dirigeants de l’IOR sont tous liés à l’Opus Dei.»
Ainsi, «la Sainte Mafia» est désormais aux sommets du pouvoir de l’Eglise. «Ils ont gagné, dit Christian Terras, directeur de la revue « Golias ». Ils ont réussi à conquérir le pouvoir décisionnel. Dans les diocèses, sur le terrain, ils n’existent pas. Ils ne font que du lobbying théologique et économique. Ils ont mené une incroyable guerre d’appareil. Quand on voit les finances du Vatican, toujours dans le rouge, on sait qui renfloue les caisses. Pour l’Opus Dei, l’argent n’a pas d’odeur. La charité n’est pas une vertu. Le don n’existe pas. Ils n’ont qu’un seul et unique apostolat: le business. Ce n’est pas très moral, mais ils ont gagné.» L’Opus, gros sous-marin laïque et intégriste, silencieux, indétectable, qui rôdait jusqu’à présent dans les grands fonds du Vatican, fait désormais surface. Peut-il un jour présenter un candidat à la succession de Jean-Paul II? C’est la grande crainte de tous ceux qui au sein de l’Eglise ne veulent pas retourner à l’époque des Templiers. «Dieu est avec nous», disent les opusiens, qui se donnent entre vingt et trente ans pour prendre le contrôle total du Vatican. Les laïques gouverneront alors l’Eglise. Que feront les prêtres?
SERGE RAFFY