« Non, cette af faire n’est pas politique »
30 10 2010«Non, cette af faire n’est pas politique. Je ne veux pas qu’elle soit politique », a affirmé la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie. Elle s’exprimait au lendemain d’un rebondissement judiciaire dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Un rebondissement qui, précisément, porte en creux la marque d’un lien étroit entre le politique et le judiciaire. Et d’expliquer sans rire que « ce serait faire injure aux magistrats que de penser que, sur chaque dossier, ils ne travaillent pas de manière complètement indépendante ».
«Préserver la justice et la qualité de son action »
La veille, le procureur général de Versailles avait ordonné l’ouverture d’informations judiciaires sur les différents volets de l’affaire. Y compris ceux dans lesquels l’actuel ministre du Travail, Éric Woerth, est mis en cause. Dans un communiqué, le procureur général de Versailles, Philippe Ingall-Montagnier, explique qu’il veut en finir avec la guerre à laquelle se livrent, à Nanterre, le procureur Philippe Courroye et la présidente du tribunal Isabelle Prevost-Desprez, enquêtant tous deux sur des angles différents de l’affaire qui finissent par se recouper. Le risque, pour le procureur Courroye, proche de Nicolas Sarkozy, est de voir anéantis tous ses efforts pour étouffer l’affaire. L’initiative du procureur général est justifiée, selon lui, par son souci de « préserver l’image de la justice et les conditions objectives de sérénité de la juridiction de Nanterre, auxquelles il est porté atteinte, quels que soient ses efforts et la qualité de son action ». Dans un premier temps, il semble vouloir sanctionner la juge Prévost-Desprez, puisqu’il demande à la Cour de cassation que soit transférée son enquête vers une autre juridiction, ce que l’on appelle un dépaysement. Dans son bras de fer avec le procureur Courroye, la juge est depuis quelques jours fragilisée par des révélations sur des manquements supposés au secret de l’enquête et divulgation d’informations à la presse (lire ci-dessous).
L’enquête de la juge a été diligentée sur plainte de la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Meyers. Celle-ci soupçonne un abus de faiblesse au détriment de la milliardaire, exercé par le photographe François-Marie Banier, qui a empoché un milliard d’euros de dons de 2002 à 2007. Le procureur général va beaucoup plus loin, n’absolvant pas la pratique judiciaire du procureur Courroye. Celui-ci conduit plusieurs enquêtes préliminaires sur la fraude fiscale admise par la milliardaire, un soupçon de financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 et des délits éventuels commis par Éric Woerth. En particulier un conflit d’intérêts entre ses anciennes fonctions de ministre du Budget, de trésorier de l’UMP et l’embauche de sa femme Florence, en 2007, par la société gérant le patrimoine de Liliane Bettencourt, et partant, qui organisatrice de la fraude fiscale. Déjà pressé par la gauche et le procureur général de la Cour de cassation d’ouvrir une information et de nommer un juge indépendant, le juge Courroye avait jusqu’ici refusé. Cette fois il y est contraint dans le cadre d’une procédure qui vise à dépayser aussi ses dossiers dans une autre juridiction.
Les syndicats de magistrats rassurés
Les syndicats de magistrats se sont réjouis de l’ouverture d’une information judiciaire. Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, a cependant estimé troublante « la coïncidence » entre l’adoption de la réforme des retraites et l’annonce d’une nomination prochaine d’un juge indépendant dans une affaire où le ministre du Travail est impliqué. Pour l’Union syndicale des magistrats, il s’agit « d’un désaveu manifeste » pour le juge Courroye. Il rappelle que « les affaires sensibles mettant en cause des intérêts politico-économiques ne peuvent être gérées par un procureur de la République dont le statut ne garantit pas suffisamment l’indépendance ». Et d’en profiter pour renouveler un appel au ministre de la Justice à abandonner le projet de suppression du juge d’instruction. Ce rebondissement témoigne de la difficulté pour l’Élysée de garder entièrement la main sur ce dossier sensible. Il n’en reste pas moins que Nicolas Sarkozy a gagné du temps : la nouvelle procédure ne trouvera un aboutissement judiciaire que bien après l’échéance présidentielle de 2012.
Le retour des barbouzes
Alors que la présidence a tout fait pour enterrer l’affaire Woert-Bettencourt, on passe désormais à des méthodes plus musclées pour enrayer le déroulement de cette affaire. L’« Etat profond » est cette formule qui permettait de caractériser, il y a quelques années, la vraie nature du régime turc : d’opaques mais solides alliances entre pouvoir, militaires, vieux parti kémaliste, magistrats, policiers, groupuscules nationalistes et hommes d’affaires. Des alliances capables de s’émanciper, dans des moments charnières, de toute loi, de tout contrôle. Pour aller jusqu’au coup d’Etat.
Nous sommes en train de découvrir ce qui ressemble bien à un « Etat profond » du régime construit par Nicolas Sarkozy. La formule peut choquer, paraître excessive. Mais elle est à la mesure de ce qui émerge depuis quatre mois à la faveur du scandale d’Etat Bettencourt et des séismes qu’il provoque dans les secteurs clés de l’appareil d’Etat.
Excessive, elle ne l’est pas si l’on veut bien considérer l’extrême gravité de faits intervenus dans quatre des secteurs clés qui organisent notre démocratie : le fisc, la police, la justice, la presse. La révélation, cette semaine, qu’une série de cambriolages a directement visé quatre des journalistes les plus en pointe sur l’affaire Bettencourt-Woerth, et les titres (Mediapart, Le Monde, Le Point) où ils travaillent, est venue créer un climat presque sans précédent de suspicion de la puissance publique.
Cette affaire est donc d’abord une affaire politique, n’en déplaise à Xavier Bertrand et Michèle Alliot-Marie qui, mercredi et dans un numéro parfaitement rodé, ont expliqué qu’il ne s’agissait là que « d’un différend entre une mère et sa famille ». Chacun aura compris que l’enjeu n’est pas là, comme Mediapart n’a cessé de l’expliquer depuis le mois de juin.
La violence des réactions du pouvoir ne peut que renforcer nos interrogations. Il y eut d’abord le déchaînement contre Mediapart organisé en juillet par le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, lors d’une réunion de crise à l’Elysée : là furent arrêtés les argumentaires pour les responsables de la majorité (« presse des années trente », « méthodes fascistes », « site de ragots », etc.) Il y eut ensuite le 12 juillet, lors de son explication sur France-2, la mise en cause indirecte du site par Nicolas Sarkozy, qui utilisa d’ailleurs à cette occasion le terme « officine ». Il y eut juste avant les fuites organisées d’un extrait tronqué d’un procès-verbal d’audition de l’ex-comptable des Bettencourt laissant croire qu’elle se rétractait…
La suite est plus grave encore puisqu’on y découvre qu’à au moins deux reprises, des téléphones de journaliste ou de fonctionnaire ont été mis sous surveillance. D’abord par la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur). Ensuite par le procureur Courroye lui-même dans le cadre d’une enquête préliminaire visant indirectement à disqualifier la juge Prévost-Desprez, à ce jour la seule magistrate indépendante saisie d’une petite partie du scandale (la plainte pour « abus de faiblesse » visant François-Marie Banier).
Chaque fois ces opérations paraissent parfaitement illégales et contraires à la loi du 4 janvier 2010 qui garantit la protection du secret des sources des journalistes. Après la révélation d’un troisième vol au préjudice de journalistes enquêtant sur l’affaire Woerth-Bettencourt, les insinuations se font plus insistantes sur le possible commanditaire de ces larcins : « Suivez mon regard… », répond Franz-Olivier Giesbert aux journalistes de son hebdomadaire, le Point et il devient désormais évident que Sarkozy s’éloigne doucement mais sûrement des principes républicains chers à ce pays.
Après les ordinateurs dérobés à l’un des rédacteurs du Point, Hervé Gattegno, et à son confrère du Monde, Gérard Davet, le 21 octobre, c’est la rédaction de Mediapart qui a découvert, mercredi, la disparition des enregistrements clandestins réalisés chez Liliane Bettencourt, lors d’un cambriolage effectué dans les locaux du site, dans la nuit du 7 au 8 octobre. Des documents dont Mediapart a publié le contenu et où est cité le nom de Nicolas Sarkozy, à côté de celui d’Éric Woerth, en lien avec une possible affaire de financement illégal de la vie politique.
De quoi jeter un nouveau trouble, alors que la décision d’ouvrir une information judiciaire pour « blanchiment de fraude fiscale, trafic d’influence, financement illégal de la vie politique, atteinte à l’intimité de la vie privée et violence aux personnes » marquait la volonté de la justice de reprendre la main dans cette affaire.
La suite de cambriolages dont ont été victimes les journalistes pourrait être le signe que tout le monde ne l’entend pas ainsi, quitte à recourir à des procédés de barbouzes pour mettre de nouveaux bâtons dans les roues de la justice. Après tout, des moyens du même type n’ont-ils pas été mis en œuvre pour découvrir les sources des journalistes en enquêtant sur leurs conversations téléphoniques, hors de tout cadre légal ? François Bonnet, dirigeant de Mediapart, en est convaincu : « En fait, le commanditaire cherche à intimider nos sources, nos interlocuteurs, déclare-t-il au Point. Il cherche à couper le robinet de l’affaire Woerth-Bettencourt en envoyant un signal. Pas de sources, pas d’infos. Pas de secret des sources, pas de sources. »
Justice bafouée, presse sous pression et télévision aux ordres…
En marge de toute ces affaires et scandales à répétition, il n’aura pas fallu longtemps au pur produit de la famille catholico-financière Pflimlin, de donner le ton. Un mois après sa prise de fonction à la tête du groupe France Télévisions, Rémy Pflimlin a mis en cause, jeudi 23 septembre, lors d’une rencontre publique organisée par le Club de la presse de Strasbourg, les pratiques journalistiques et déontologiques de Mediapart.
Se référant explicitement au traitement éditorial de Mediapart de l’affaire Bettencourt, M. Pflimlin a déclaré : «On ne peut pas se permettre de sortir des infos qui sont démenties le lendemain et on ne peut pas se permettre de manipuler impunément.»
Faisant de Mediapart un exemple à ne pas suivre, le PDG de France Télévisions n’a pas hésité à considérer que notre site incarnait les «dérives à la Big Brother (…) dans un monde où tout circule n’importe comment», distillant une information «manipulatrice», «émotionnelle», «publicitaire» et peu «respectueuse par rapport à des éthiques».
La Société des journalistes de Mediapart condamne ces propos diffamatoires, a fortiori quand ils émanent du premier responsable de la télévision publique, fût-il nommé directement par le président de la République. Elle s’étonne aussi de sa vision méprisante de l’information en ligne.
Pour mémoire, la justice a, par deux fois, en première instance puis en appel, validé le travail éditorial de Mediapart dans l’affaire Bettencourt, jugeant que nos révélations relevaient de «l’intérêt public» et de «l’information légitime» des citoyens.
Dans un entretien au quotidien L’Alsace, M. Pflimlin a déclaré le 28 août dernier : «La question des relations avec le pouvoir ne me perturbe pas.» En effet. La SDJ de Mediapart souhaite bon courage aux journalistes de France Télévisions.
Et la radio ?
Décidément, France Inter fait le ménage: après Stéphane Guillon, Didier Porte, Raphael Mezrahi, au tour de Gérard Dahan d’être viré, encore un!
Les humoristes n’ont plus leur place à France Inter?
C’est vendredi que France Inter annonçait la suppression de l’émission de Gérard Dahan qui n’aura duré qu’un mois et demi et France Inter indiquait que le contrat de Gérard Dahan arrivait à son terme alors que Dahan lui stipule que son contrat devrait se terminer en fin d’année.
Pour Gérard Dahan, c’est une sanction qui tombe juste après sa chronique avec Michèle Alliot-Marie de jeudi où il avait déclaré à la ministre: « En même temps, ce ne doit pas être facile d’être ministre de la Justice sous Sarkozy : je mets les crocs de boucher pour y pendre Villepin, étouffer l’affaire Woerth pour protéger l’UMP, organiser les arrangements avec Delanoë pour sauver le soldat Chirac. Votre quotidien ce n’est pas la Justice, c’est Le Parrain N.4″.
Décidément, France Inter a du mal avec son créneau 8h55.
Très prochainement, c’est Sophie Aram (lundi et mercredi) et Ben (mardi et jeudi) qui auront la tranche horaire 8h55, tranche horaire qui ne semble pas porter chance aux humoristes de France Inter, c’est pas Stéphane Guillon, Didier Porte, Raphael Mezrahi ou Gérard Dahan qui vous diront le contraire…
Tous ces scandales n’ont pour objet qu’un but, préparer les élections de 2012. Vous avez dit démocratie ?
Bonjour
Un grand journaliste Anglo-Saxon a dit « la France un des pays qui digère le mieux ses scandales politiques »
Comme dirait l adage :rien de neuf sous le soleil !notre république ressemble comme souvent a une « république bananiere »et nos hommes politique ont encore de belles années devant eux ,vus la qualité de nos informations (TF1 …..) nous sommes en plein dans l’empire romains » des jeux et du pain »
Rappelez vous Mitterrand le crédit Lyonnais l’ incendie …..
Peut importe les desseins du Seigneur sont les seules qui arriveront a son terme
Surtout que tout cela ne nous permette pas de devenir stupide et aveugle.
Restez éveiller
Soyez Bénis