« Non, cette affaire n’est pas médiatique »
31 10 2010« Jeudi 29 mars 2007, (…) rez-de-chaussée de France Télévisions » Sarkozy dit «Décidément, il faut que les choses changent. Et croyez-moi, elles vont changer.» Encore une fois, Nicolas Sarkozy vient de s’engueuler avec Patrick de Carolis et Patrice Duhamel. (…) Plus de trois ans plus tard, croyez-le bien, les choses ont changé: c’est désormais le président de la République en personne qui nomme les patrons de l’audiovisuel public. Symbole ultime, effarant et inédit d’un Nicolas Sarkozy à la main constamment fourrée dans les affaires des médias, imposant son ami Pierre Sled sur France Télévisions, plaçant son ancien directeur de campagne à TF1, exigeant des excuses de RTL (et les obtenant), gourmandant, vitupérant, menaçant. En 1997, il énonçait sa stratégie médiatique: «Les médias ne sont ni alliés ni adversaires, ils n’ont ni cœur ni raison. Ils sont comme des chaudières. Si vous êtes celui qui met du combustible, vous existez.»
Dans la mythologie grecque, les Champs Élysées (en grec ancien Ἠλύσιον πέδιον ÿlusion pedion) ou Îles des Bienheureux (en grec ancien μακάρων νῆσοι makarôn nêsoi) sont le lieu de l’Hadès (le royaume des morts) où les héros et les gens vertueux goûtaient le repos après leur mort, c’est une sorte de paradis anté-chrétien. L’image parfaite des inversions des valeurs chrétiennes.
« Chacun savait que la nomination de Pierre Sled serait le signe de l’allégeance de Rémy Pflimlin à Nicolas Sarkozy qui, depuis 2005, réclamait à cor et à cri une place pour son copain sur le service public. Depuis vendredi, c’est fait: Pierre Sled devient «conseiller pour les programmes auprès du directeur de France 3». C’est là qu’il faut lire la menue résistance de Rémy Pflimlin: Sled n’est pas directeur des programmes, comme cela se murmurait, voire directeur de l’info de France Télévisions ou n°2 du président, mais simple conseiller. Il n’empêche, c’est un symbole. «S’il avait refusé, ça aurait été SuperPflimlin, commente un haut cadre de France Télévisions. Là, on va continuer à travailler pour un président qu’on ne respecte qu’à moitié.» « Sophie Davant est la femme de Pierre Sled, dont nombre d’articles pointent la proximité avec Nicolas Sarkozy, et l’amitié avec Frédéric Lefebvre, le porte-parole de l’UMP.
On a l’habitude d’appeler la presse le « quatrième pouvoir », les trois autres étant, bien entendu, le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Mais, la presse, ou plus exactement les médias, ne constituent-ils pas plutôt le premier pouvoir, la clé de l’action politique ? Pourtant, ce pouvoir tellement influent est à peine évoqué par la Constitution… et si peu par la loi ! Cette lacune législative constitue la brèche par où s’est infiltrée la dictature rampante qui nous gouverne.
Dictature mondialiste bien entendu : Léo Bogart ne défendait-il pas déjà, en 1956, dans son livre « l’âge de la télévision » l’idée selon laquelle on assisterait sous l’influence de ce média à une uniformisation de la culture et à la disparition des cultures particulières.
Herbert Marcuse affirmait dans « l’homme unidimensionnel » (1964) que les mass-médias sont l’instrument d’une manipulation qui viserait à rendre les sociétés irrationnelles, totalement « intégrées » et passives comme elles ne l’ont jamais été. Les techniques de communication standardisées sont, selon lui, un boulevard pour la démagogie et la médiocrité, privilégiant ce qui unit au dépens de ce qui divise. Ils diffuseraient une néo-culture soporifique, incitant plus à l’évasion qu’à l’affrontement du réel.
Le Canadien Marshall McLuhan, franchit encore une étape lorsqu’il lance sa formule lapidaire « le message c’est le médium » : ce qui importe, ce n’est pas le contenu du message, mais la façon dont il est transmis. « Les médias, depuis la presse à imprimer jusqu’à l’ordinateur, conspirent pour changer simultanément l’homme et la société ».
Selon Jacques Ellul, avec la dissolution des groupes primaires tels que la famille, il n’y a plus rien qui puisse faire écran entre les moyens de communication de masse et l’individu. De plus, selon lui, le bien-être est objectivement l’allié d’une propagande dont le support principal est « l’information ». La surinformation accroîtrait la vulnérabilité des individus à la propagande et aux idéologies en vogue.
Francis Balle résume : « les médias agissent à la manière d’une drogue, anesthésiante ou stimulante. ils sont capables de faire faire n’importe quoi, à n’importe qui, n’importe comment et n’importe quand. »
Les grandes agences de presse et les publicitaires sont des éléments clés de la manipulation de l’opinion. Les premières constituent un oligopole de l’information mondiale : elles trient l’information, sélectionnent les nouvelles sur lesquelles l’attention des opinions publiques sera attirée et n’hésitent pas à passer des faits essentiels sous silence. Les journalistes ne peuvent traiter le plus souvent que l’information qu’on leur fournit. La nécessité de « coller à l’actualité » augmente encore considérablement la possibilité de se faire manipuler.
Toute la subtilité et l’adresse d’un manipulateur consiste, à modifier progressivement les « grilles d’interprétation » des individus qui composent l’opinion. Et cela se fait par la répétition de messages apparemment anodins, mais qui s’imprègnent subrepticement dans le subconscient des individus. Par exemple, le fait de placer systématiquement dans toutes sortes d’émissions et de séries des homosexuels, amène progressivement la majorité des gens à considérer leur présence comme normale. En présentant dans nombre de films et séries les magiciens, les vampires ou tueurs à gage sous un jour sympathique, on inverse doucement le sens des valeurs de la population. La diffusion des séries américaines bon marché par nos télévisions transforme la culture mondiale et lui fait adopter progressivement les valeurs occidentales.
Dès lors, celui qui maîtrise bien les techniques de manipulation de l’information et qui en use avec circonspection, peut mener l’opinion publique, c’est-à-dire la majorité des citoyens à se mobiliser dans un sens ou dans un autre, en fonction de ses objectifs. Lorsque l’on sait qu’en « démocratie » les politiciens tournent casaque au gré de ce qu’ils croient être l’opinion, on ne peut qu’en conclure que celui qui tient les rênes de l’information et des médias dirige en fait la société. Le « quatrième pouvoir » est donc bien un terme impropre : en réalité, il s’agit de la clé de la puissance politique et du pouvoir réel.
Aujourd’hui c’est tout un ensemble de forces, politiques, religieuses et financières qui mettent leur puissance dans un seul homme afin d’en faire leur champion, leur voix et image. Cette prise de contrôle larvée prend encore plus de relief lorsqu’on la met en concordance avec l’action d’un autre Pflimlin, président du Crédit Mutuel qui vient de démissionner mais qui parachève son œuvre dans la mainmise sur la presse.
Après la prise de contrôle en 2009 du groupe EBRA, le Crédit Mutuel vient de racheter au Groupe Hersant Média (L’Union, Paris-Normandie, La Provence, Nice-Matin, entre autres) 29% du capital de l’Est Républicain (l’Est Républicain, Vosges Matin, Les Dernières Nouvelles d’Alsace).
A quel prix ou avec quelles contreparties ?
La banque dite mutualiste détient 48% du capital du quotidien nancéien, devient l’actionnaire principal du groupe Est républicain et contrôle tous les journaux de l’est de la France, de la frontière belge à la frontière italienne. Elle masque cette prise de contrôle capitalistique en déléguant la gestion à M. Lignac du groupe Est Républicain.
La Banque poursuit l’installation de tous les outils informatiques et logistiques qui lui permettent de gérer de fait le plus important groupe de presse régional de France (1 200 000 exemplaires) : Le Républicain Lorrain, L’Alsace, Le Progrès – La Tribune, Le Dauphiné libéré, Le Bien Public, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Journal de la Haute-Marne , l’Est Républicain, Vosges Matin (fusion de la Liberté de l’Est et de l’édition départementale de l’Est Républicain) et Les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Des dirigeants de l’Est Républicain et du Crédit Mutuel essaient pourtant encore de convaincre les salariés qu’ils respecteront l’indépendance des rédactions ! Le Crédit Mutuel ne cache cependant pas sa volonté de « poursuivre les synergies » et de finaliser rapidement la plateforme informatique centralisée, commune à tous les services de tous les titres, socle de « l’industrie de l’information » qu’il entend développer, imposer à toutes les entreprises et équipes rédactionnelles. Son objectif : la mutualisation des contenus éditoriaux. Mauvais présage pour l’emploi dans les entreprises comme pour le pluralisme de l’information.
La banque n’aura mis que trois ans pour créer un monopole de la presse régionale et départementale de l’Est sous le regard complice de la direction de la Concurrence et des médias. Alors que les attaques du gouvernement se font de plus en plus directes et violentes contre les journalistes et les médias, au moment où le pouvoir confond de plus en plus information et propagande, le SNJ-CGT condamne cette nouvelle avancée dans les concentrations de la presse en France et dénonce la mainmise d’une banque sur le plus grand groupe de presse de l’hexagone.
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