Selon les chiffres publiés vendredi par Bercy, le déficit budgétaire s’est établi l’an dernier à 150 milliards d’euros, dépassant ainsi de près de onze milliards le niveau déjà inédit atteint en 2009, lorsque, sous l’effet de la crise, les dépenses de relance de l’économie avaient explosé tandis que les recettes fiscales s’effondraient. Le niveau de 7,7% constituerait un record jamais atteint, et la France s’est engagée à ramener le déficit public à 6% cette année, puis 4,6% l’an prochain et 3%, le plafond autorisé par les traités européens, en 2013. Ce déficit public, outre les comptes de l’Etat, intègre ceux des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale.

Dans le même temps le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a indiqué samedi dans un entretien à la presse allemande qu’il attendait des pays de la zone euro qu’ils entreprennent « d’énormes efforts » pour réduire leur dette publique. « Nous n’avons pas de crise de l’euro mais nous avons une crise des finances publiques dans certains pays de la zone euro », a insisté le banquier central. « Tous les gouvernements doivent faire en sorte de mettre en ordre leurs finances », selon lui. « Cela est particulièrement le cas pour les gouvernements et les Etats qui ont vécu nettement au-dessus de leurs moyens par le passé », a-t-il poursuivi sans citer explicitement de pays. Le président de la BCE n’a cessé de répéter ces derniers mois qu’une politique budgétaire saine était très importante pour la santé de l’économie de la zone euro.
Les médias tenus par le Crédit Mutuel et quelques milliardaires vont naturellement nous expliquer qu’il va falloir se serrer la ceinture, car la situation est catastrophique et que des réformes s’imposent. Mais si aujourd’hui on demande la main sur le cœur à la France d’en bas de faire des sacrifices, c’est qu’avant, toute une génération de riches a fait sa révolution en engageant ses réformes au détriment des tous les autres. Un peu d’histoire s’impose.
La seconde guerre mondiale est le résultat de la crise de 29, elle-même produite par une folle finance incontrôlée. Après la guerre l’Etat dans un sens large, va reprendre les choses en main en limitant fortement le marché et en imposant fortement les riches et leurs sociétés. C’est le temps de l’Etat social en Europe et du New Deal américain. Il permet la prospérité et la reconstruction en Europe.
Le néo-libéralisme naît après la Seconde Guerre mondiale en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Il traduit une réaction théorique et politique véhémente contre l’interventionnisme étatique et l’Etat social (Welfare State) .
Friedrich August von Hayek publie en 1944 The Road to Serfdom (traduit par La route de la servitude). Cet ouvrage constitue en quelque sorte la charte fondatrice du néo-libéralisme. Une attaque passionnée contre toute limitation par l’Etat du libre fonctionnement des mécanismes du marché y est développée. Ces entraves sont dénoncées car elles contiennent, à son avis, une menace mortelle contre la liberté économique mais aussi politique. A cette époque, la cible immédiate de von Hayek est le Parti travailliste anglais. Les élections s’annoncent en Grande-Bretagne et ce parti va finalement les gagner en juillet 1945, portant Clement Attlee au poste de premier ministre. Le message de von Hayek, net, peut être résumé ainsi: malgré ses bonnes intentions, la social-démocratie modérée anglaise conduit au même désastre que le nazisme allemand, au servage (serfdom) moderne.
Les compagnons du Mont-Pèlerin
Trois ans plus tard, en 1947, lorsque les fondements de l’Etat social se mettent effectivement en place dans l’Europe d’après-guerre, von Hayek convoque ceux qui partagent son orientation idéologique. Il les réunit dans une petite station de villégiature helvétique, au Mont-Pèlerin, au-dessus de Vevey, dans le canton de Vaud. Parmi les participants célèbres à cette rencontre se retrouvent non seulement des adversaires déterminés de l’Etat social en Europe mais aussi des ennemis féroces du New Deal américain.
Dans l’assistance choisie, réunie en avril 1947 à l’Hôtel du Parc, on mentionnera Maurice Allais, Milton Friedman, Walter Lippman, Salvador de Madariaga, Ludwig von Mises, Michael Polanyi, Karl Popper, William E. Rappard, Wilhelm Röpke et Lionel Robbins. A la fin de cette rencontre est fondée la Société du Mont-Pèlerin, une sorte de franc-maçonnerie néo-libérale, bien organisée et consacrée à la divulgation des thèses néo-libérales, avec des réunions internationales régulières (voir pp. 31-33, « un pèlerin prosélyte ».). L’objectif de la Société du Mont-Pèlerin est, d’une part, de combattre le keynésianisme et les mesures de solidarité sociale qui prévalent après la Seconde Guerre mondiale et, d’autre part, de préparer pour l’avenir les fondements théoriques d’un autre type de capitalisme, dur et libéré de toute règle. Durant cette période, les conditions pour une telle entreprise ne sont pas du tout favorables. En effet, le capitalisme – qui sera appelé quelques années plus tard néo-capitalisme – entre alors dans une onde longue expansive. Elle représente son âge d’or. La croissance est particulièrement rapide et permanente au cours des décennies 50 et 60. Pour cette raison, les mises en garde des néo-libéraux contre les dangers que représente un quelconque contrôle du marché par l’Etat apparaissent peu crédibles. Toutefois, la polémique plus spécifique à l’encontre d’une régulation sociale a une assez large répercussion. Von Hayek et ses amis argumentent contre le nouvel égalitarisme – fort relatif – de cette période. Pour eux, cet égalitarisme promu par l’Etat-providence est destructeur de la liberté des citoyens et de la vitalité des compétences, deux qualités dont dépend la prospérité pour tous. Les animateurs de la Société du Mont-Pèlerin défient les idées et théories officielles dominantes de l’époque. Ils prétendent que l’inégalité est une valeur positive – en fait indispensable en tant que telle – dont les sociétés occidentales ont besoin. Ce message est resté à l’état « théorique » durant plus de vingt ans.
Le tournant de 1974
L’idéal néolibéral, est le pendant antéchrist temporel qui accompagne la renaissance d’Israël. Le monde vit depuis 1948 et la renaissance d’Israël au rythme imposé par Dieu. Le 6 octobre 1973, jour du Yom Kippour, l’Égypte et la Syrie déclenchent une guerre contre Israël pour récupérer les territoires perdus en 1967. Au terme de trois semaines de combats, les forces israéliennes parviennent à refouler leurs. Les Arabes gagnent le soutien de l’Union soviétique et des démocraties populaires qui rompent leurs relations diplomatiques avec Israël. Les pays arabes producteurs de pétrole arrêtent leurs exportations vers les États-Unis et certains pays européens pour protester contre l’aide apportée à Israël, contribuant ainsi au déclenchement d’une crise économique en Occident.
Tout change dès l’éclosion de la grande crise du modèle économique de l’après-guerre, en 1974. L’ensemble des pays capitalistes développés entrent alors dans une profonde récession. Pour la première fois se combinent un taux de croissance bas et un taux d’inflation élevé (stagflation). A la faveur de cette situation, les idées néo-libérales commencent à gagner du terrain. Von Hayek et ses camarades affirment que les racines de la crise plongent dans le pouvoir excessif et néfaste des syndicats, et, de manière plus générale, du mouvement ouvrier. Selon eux, les syndicats ont sapé les bases de l’accumulation privée (de l’investissement) par leurs revendications salariales et par leurs pressions visant à ce que l’Etat accroisse sans cesse des dépenses sociales parasitaires.

Ces deux pressions ont entamé les marges de profit des entreprises et ont déchaîné des processus inflationnistes (hausse des prix) qui ne pouvaient que se terminer en une crise généralisée des économies de marché. Dès lors, le remède est clair: maintenir un Etat fort, capable de rompre la force des syndicats et de contrôler strictement l’évolution de la masse monétaire (politique monétariste). Cet Etat doit par contre être frugal dans le domaine des dépenses sociales et s’abstenir d’interventions économiques. La stabilité monétaire doit constituer l’objectif suprême de tous les gouvernements. Dans ce but, une discipline budgétaire est nécessaire, accompagnée d’une restriction des dépenses sociales et de la restauration d’un taux dit naturel de chômage, c’est-à-dire de la création d’une « armée de réserve de salariés » (de bataillons de chômeurs) qui permette d’affaiblir les syndicats. En outre, des réformes fiscales doivent être introduites afin d’inciter les « agents économiques » à épargner et à investir. En d’autres termes, cette proposition implique simplement une réduction des impôts sur les revenus les plus élevés des personnes et sur les profits des sociétés.
Ainsi, une nouvelle et salutaire inégalité réapparaîtra et dynamisera les économies des pays développés malades de la stagflation, maladie résultant de l’héritage combiné des politiques inspirées par Keynes et Beveridge, c’est-à-dire de l’intervention étatique anticyclique (visant à amortir les récessions) et de la redistribution sociale. Cet ensemble de mesures a déformé de façon désastreuse le cours normal de l’accumulation du capital et le libre fonctionnement du marché. Selon cette théorie, la croissance reviendra naturellement lorsque sera atteinte la stabilité monétaire et qu’auront été réactivées les principales incitations (défiscalisation, limitation des charges sociales, déréglementation, etc.).
Thatcher, Reagan et les autres
L’hégémonie de ce programme ne s’est pas réalisée du jour au lendemain. Il lui a fallu une décennie pour s’imposer. Dans un premier temps, la majorité des pays de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) ont tenté d’appliquer des remèdes keynésiens à cette crise ouverte par la récession généralisée de 1974-1975. Toutefois, dès la fin des années 70 – en 1979 plus exactement – une situation politique nouvelle s’est affirmée. Cette année-là, en Angleterre, commence le règne de Margaret Thatcher. C’est le premier gouvernement d’un pays capitaliste avancé qui s’engage publiquement à mettre en pratique le programme néo-libéral. Une année plus tard, en 1980, Ronald Reagan est élu à la présidence des Etats-Unis. En 1982, Helmut Kohl et la coalition CDU-CSU – démocrate-chrétienne – bat la social-démocratie d’Helmut Schmidt. En 1982-1984, au Danemark, symbole du modèle scandinave de l’Etat-providence, une coalition clairement à droite prend les rênes du pouvoir sous la direction de Paul Schlüter. Par la suite, presque tous les pays du Nord de l’Europe occidentale, à l’exception de la Suède et de l’Autriche, opèrent un tournant à droite. La vague de « droitisation » de ces années permet de réunir les conditions politiques nécessaires à l’application des recettes néo-libérales censées permettre la sortie de la crise économique.
En 1978, la « deuxième Guerre froide » se durcit suite à l’intervention soviétique en Afghanistan et à la décision prise par les Etats-Unis d’installer une nouvelle génération de fusées nucléaires (missiles de croisière, Pershing II) en Europe occidentale. Dans l’éventail des courants pro-capitalistes de l’après-guerre, l’ »école » néo-libérale a toujours intégré comme un élément central un anticommunisme des plus virulents. Le nouveau combat contre « l’empire du mal » – l’esclavage humain le plus complet aux yeux de von Hayek – renforce inévitablement le pouvoir d’attraction du néo-libéralisme en tant que courant politique. L’hégémonie d’une nouvelle droite en Europe et en Amérique du Nord s’en trouve consolidée. Ainsi, au cours des années 80, on assiste au triomphe incontestable de l’idéologie néo-libérale dans les pays capitalistes avancés.
Le Vatican en Europe et les fondamentalistes religieux américains, viscéralement anticommunistes et gangrénés par la cupidité, ont largement accompagné le puissant courant antéchrist qui porte les idéaux des néolibéraux. Par leur biais, le diable a repris les rênes du marché, qui menèrent à la ruine de 29 et celle récente de la crise de 2009. Mêmes causes, mêmes effets. Il suffit de voir la vitesse à laquelle renaissent les partis politiques et les thèses qui portèrent Hitler au pouvoir pour s’en convaincre.
La victoire néolibérale et antéchrist.
En offrant gloire et richesse à Jésus, à condition qu’il l’adore, il est facile de conclure que la richesse terrestre est l’arme du pouvoir satanique. Mais actuellement c’est surtout de dette dont il est question et d’Etat ruinés et en périls. La richesse et le pouvoir de Satan aurait-il disparu ? Non, il se concentre de plus en plus.

Un excellent article du 8 janvier 2011 par Julien Alexandre sur le blog de Paul Jorion, nous illustre le processus de mise en esclave néolibéral. La dette… toujours la dette. Partout, nous entendons le même discours transformant la dette publique en épée de Damoclès dont le fil tranchant et menaçant justifierait une nécessaire et irrémissible rigueur devant laquelle le bon peuple serait prié de s’agenouiller et de s’offrir en sacrifice sur l’autel du Dieu Marché. La suite ici : http://www.pauljorion.com/blog/?p=20098#more-20098
Aujourd’hui » (…) une entreprise du CAC 40 sur quatre n’aurait pas payé d’impôt sur les sociétés (IS) l’an dernier. Danone, Suez environnement, Total, Saint-Gobain ou encore Schneider échappent par exemple complètement à ce prélèvement. (…) Comme l’avait déjà souligné un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires en octobre dernier (…) «
Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) dont le rapport indiquait que : » (…) En 2010, 293 dépenses fiscales bénéficiant aux entreprises ont été recensées. Elles ont fortement augmenté depuis 2002. Elles représentent un total de 35 Md€, soit 14 % de recettes fiscales nettes de l’État. S’y ajoute le poids des mesures dérogatoires déclassées qui s’élève à 71 Md€ (…) S’agissant des niches sociales, le CPO a identifié 91 dispositifs ou ensemble de dispositifs concernant les entreprises, dont le coût s’élève à plus de 66 Md€ pour l’ensemble des prélèvements sociaux – soit 15 % des recettes de la Sécurité sociale –, dont 31,5 Md€ sous la forme d’allègements généraux et d’exonérations ciblées(…) »
Quelques exemples de techniques permettant de « passer au travers » de l’impôt ?
(…) Danone, déduit de ses impôts les emprunts contractés pour l’acquisition de Numico , en 2007, précise le JDD. Et si d’autres entreprises, telles Total ou PSA, ne reversent rien cette année pour avoir été dans le rouge, elles pourront limiter également leurs versements les années suivantes, grâce au report illimité des pertes déplorées durant la crise (…) Total a beau déclarer près de 8 milliards de bénéfice au niveau mondial, il ne paie aucun impôt en France. Comme ses activités de raffinerie (en France) sont toutes en perte, il échappe intégralement à l’impôt (…) Natixis, par exemple, ont affiché des résultats déficitaires, ce qui justifie un impôt nul (…) Les Echos
Selon l’enquête du JDD, » (…) les montants épargnés s’élèvent ainsi à 66,3 milliards en 2009, contre 18,5 milliards en 2005″. Un manque à gagner réel pour l’Etat français, pour qui l’impôt sur les sociétés est la troisième recette » – L’Express
En clair, écrit Le Figaro : » (…) les sociétés du CAC 40 sont en moyenne imposées à hauteur de 8% de leurs bénéfices, contre 33% normalement. Les PME, moins à même d’exploiter les différentes niches fiscales, en reverseraient en moyenne 22% (…) » Alors que les entreprises ont reconstitué leur cash et pour un grand nombre d’entre elles retrouver des bénéfices confortables, les sociétés du CAC 40 soignent leurs actionnaires. Les 40 premières entreprises françaises cotées devraient verser presque 40 milliards d’euros de dividendes au titre de l’exercice 2010, selon le consensus des analystes financiers cité par Les Echos. Un chiffre record en croissance de 13%, ajoute le quotidien, et qui devrait dépasser les 43 milliards d’euros l’année suivante.
« Le but est d’arriver aux Etats unis d’Europe » – Joschka Fischer
Face à la crise monétaire engendrée par les dettes souveraines, on accélère le processus d’intégration. Toujours plus de dettes, pour toujours plus de servitude. La Commission européenne propose d’augmenter prochainement le Fonds européen de stabilité financière (FESF) destiné à soutenir la monnaie unique et d’élargir son « champ d’action », a déclaré le chef de l’exécutif communautaire, José Manuel Barroso. Les responsables européens envisageraient de doubler le montant du Fonds Européen de Stabilité Financière (EFSF) qui atteindrait alors 1500 milliards d’euros.
Mercredi 12 janvier, l’ancien ministre des affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, était au Parlement européen pour expliquer sa vision de l’intégration européenne et le chemin qu’il souhaite la voir prendre. Il a prôné une Europe « forte », la recherche d’un intérêt commun et la délégation de souveraineté nationale à l’UE afin de contrer les puissances émergentes. Entretien.
Les égoïsmes nationaux qui entachent la gestion de la crise économique nuisent à l’Europe : tel est le message adressé par le groupe Spinelli lors d’une réunion au Parlement européen le 12 janvier, intitulée « les Etats-Unis d’Europe: vers une société transnationale ». Joschka Fischer et ses partenaires veulent ainsi relancer l’idée fédérale au sein d’une Europe en perte de repères.
José Manuel Barroso, qui assistait à la réunion, a abondé dans leur sens: « ce ne sont pas seulement les fédéralistes qui plaident pour une meilleure intégration, ce sont aussi les marchés. Ils envoient des messages clairs chaque jour. Il ne s’agit donc pas d’une utopie, c’est une question de réalisme » a-t-il déclaré aux journalistes.