Le mystère des cathédrales – 14
30072011Alors que l’hérésie Albigeoise répandait l’impiété dans la province de Toulouse et s’y enracinait chaque jour plus profondément, saint Dominique, qui venait de fonder l’Ordre des Frères Prêcheurs, s’appliqua tout entier à la faire disparaître. Pour y arriver plus sûrement, il implora par des prières assidues le secours de la bienheureuse Vierge, dont les hérétiques attaquaient la dignité avec une souveraine impudence, et à laquelle il a été donné de détruire les hérésies dans l’univers entier. D’après la tradition, Marie lui recommanda de prêcher le Rosaire au peuple, lui faisant entendre que cette prière serait un secours exceptionnellement efficace contre les hérésies et les vices. Aussi est-il prodigieux de voir avec quelle ferveur d’âme et avec quel succès il s’acquitta de la tâche imposée. Cependant, la bulle Consueverunt romani Pontifices (1569) du pape saint Pie V, y écrit très clairement que Dominique a « inventé et propagé ensuite dans toute la sainte Église romaine un mode de prière, appelé Rosaire ou psautier de la bienheureuse Vierge Marie, qui consiste à honorer la bienheureuse Vierge par la récitation de cent cinquante Ave Maria, conformément au nombre des psaumes de David, en ajoutant à chaque dizaine d’Ave l’Oraison dominicale et la méditation des mystères de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Le rosaire est donc une arme spirituelle, inventé par Dominique pour combattre l’hérésie par la voie des mystères, plutôt que par les Ecritures évangéliques.
Le Rosaire est une méthode déterminée de prière, dans laquelle on distingue quinze dizaines de salutations angéliques ; elles sont séparées par l’Oraison dominicale, et à chacune d’elles on se rappelle, dans une pieuse méditation, autant les mystères de la rédemption. C’est donc à partir de ce moment que, grâce à Dominique, cette manière de prier commença à se faire connaître et à se répandre ; et les papes ont plusieurs fois affirmé, dans leurs lettres apostoliques, que saint Dominique est l’auteur et l’instituteur de cette forme de prière : Aux Albigeois qui enseignaient que le corps matériel étai: une réalité mauvaise, que le Fils de Dieu n’avait pu prendre qu’une apparence de corps et non pas un corps réel, et qui déniaient à la Sainte Vierge la gloire d’une vraie maternité, on ne pouvait opposer prédication et dévotion mieux adaptées que la dévotion à la Vierge Mère et à l’humanité du Verbe fait chair, et la prédication des mystères du Rosaire rappelant au peuple chrétien les grands épisodes de la vie de Jésus et de sa Mère.
Si les croyances cathares n’étaient pas exemptent de tout reproche, les combattre par le fer plutôt que le verbe fut une grossière erreur. Il eut été plus logique d’affirmer qu’en l’absence de corps il n’y a pas de souffrance, ni de mort, notamment celle de la croix. Cette absence de sacrifice qui couvre le péché une fois pour toute, rend vain le message de l’évangile et le salut de l’humanité. « C’est pourquoi Christ, entrant dans le monde, dit: tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps; tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit: voici, je viens Dans le rouleau du livre il est question de moi pour faire, ô Dieu, ta volonté. Après avoir dit d’abord: tu n’as voulu et tu n’as agréé ni sacrifices ni offrandes, ni holocaustes ni sacrifices pour le péché ce qu’on offre selon la loi, il dit ensuite: voici, je viens pour faire ta volonté. Il abolit ainsi la première chose pour établir la seconde. C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes. Et tandis que tout sacrificateur fait chaque jour le service et offre souvent les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais ôter les péchés, lui, après avoir offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu, attendant désormais que ses ennemis soient devenus son marchepied. Car, par une seule offrande, il a amené à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés » (Hébreux 10: 5-14)
Mais comme le fait remarquer Dominique de Guzman, qui révèle par-là la vraie nature de l’esprit qui l’anime, que c’est le déni à la Sainte Vierge de la gloire d’une vraie maternité qui lui enlève de facto toute dévotion, qui l’irrite. A ses yeux idolâtres, il y a là blasphème et matière à combattre, d’abord par la prière, puis par le fer. Selon la légende, c’est Dominique de Guzman qui aurait reçu le Rosaire des mains de la Vierge Marie elle-même. Consacré à Marie, mère de Jésus de Nazareth, il tire son nom du latin ecclésiastique rosarium qui désigne la guirlande de roses dont les représentations de la Vierge sont couronnées. Saluer Marie 50 fois, c’était lui offrir une couronne de fleurs, c’est-à-dire à l’époque un « petit chapeau », un « chapelet », « petit chapeau », ou de rosaire, qui vient de l’usage au Moyen-Âge de couronner de roses les statues de la Vierge, chaque rose représentant un Ave Maria. Le mot « rosaire » quant à lui désignait au Moyen Âge une collection de textes sacrés.
Dans les monastères les religieux, qui ne comprenaient pas le latin, récitaient 150 « Ave Maria » à la place des 150 psaumes de l’office liturgique. On appelait le Rosaire le psautier de la Vierge Marie. Sa lecture est remplacée pour les âmes simples au cours du Moyen Âge par la récitation de cent-cinquante Ave Maria. Comme le dit saint Bernard: « Il n’est pas de doute que toutes les louanges que nous adressons à la Mère de Dieu ne s’appliquent aussi bien à son Fils ; et réciproquement, lorsque nous rendons hommage au Fils, nous ne perdons pas de vue la gloire de la Mère. Si, d’après Salomon : « un fils sage est la gloire de son père » (Pr,10,1), il est plus glorieux encore d’être la mère de la Sagesse ». Saint Bonaventure a aussi écrit des Louanges de la Vierge et un Psautier (petit et grand psautier) c’est-à-dire un Livre des Heures qui est également un recueil de louanges adressées à la Vierge ; mais ce n’était pas encore le rosaire , destiné à remplacer la lecture du psautier de cent-cinquante Psaumes ou des cent-cinquante Pater Noster par cent-cinquante Ave Maria. Saint Bernard a aussi écrit des sermons sur les Mystères qui peuvent être à l’origine de la méditation des Mystères du Rosaire. Les Louanges de la Vierge sont aussi contenues dans les Litanies de Lorette, celle de la Rose Mystique, Rosa Mystica est très connue : mais ce mot de Rosarium (Champ de roses) était déjà utilisé au XVe siècle ; toujours est-il qu’entre les fleurs, c’est la rose vermeille , Reine des Fleurs qui a donné son nom au Rosaire.
Le rosaire est diffusé et popularisé en Europe après les premières croisades dès le XIIe siècle par saint Dominique, auquel l’hagiographie traditionnelle attribue son invention. Ainsi l’ordre des Prêcheurs (ou dominicains) répandit-il son usage qui consiste en un exercice de méditation simple sur les épisodes importants de la vie de Jésus-Christ au travers du regard marial. Un document historique montre Dominique employant victorieusement cette prière dans une célèbre bataille contre les hérétiques. Il s’agit de la première victoire du Rosaire remportée à Muret, près de Toulouse, le 12 septembre 1213, par saint Dominique. Huit cents chevaliers catholiques, appelés par le pape Innocent III, se trouvent en face de 34 000 ennemis environ (des cathares renforcés par des troupes venues d’Espagne avec le roi Pierre II d’Aragon). Dominique monte alors avec le clergé et le peuple dans l’église de Muret, et il fait prier à tous le Rosaire. Cinq mois après l’évènement, un notaire languedocien écrit : Dominicus rosas afferre. Dum incipit tam humilis. Dominicus coronas conferre. Statim apparet agilis. Le notaire note l’humilité de Dominique qui n’hésite pas à prendre la prière du Rosaire (prière très humble, prière du peuple) ; et il note son agilité à achever les couronnes, c’est-à-dire à faire se succéder les chapelets les uns aux autres. La victoire des chevaliers catholiques – menés par Simon de Montfort – est fulgurante et miraculeuse. Les chroniques relatent que les ennemis de la religion tombaient les uns sur les autres ainsi que les arbres de la forêt sous la cognée d’une armée de bûcherons. Tout comme l’épée qui sort de la bouche du Christ, Ap 1:16 de sa bouche sortait une épée aiguë, à deux tranchants, Dominique fait du rosaire, l’arme dominicaine qui inspire les croisés à combattre les hérétiques.
La pratique se poursuivra dans le temps, au point qu’une fête Notre-Dame du Rosaire a été instaurée le 7 octobre dans le calendrier liturgique catholique à l’initiative du pape dominicain Pie V en 1571, au lendemain de la bataille de Lépante. On cite la victoire que le pontife Pie V et les princes chrétiens enflammés par ses paroles remportèrent, près des îles Échinades, sur le puissant sultan des Turcs. En effet, au jour même où fut remportée cette victoire, les confréries du très saint Rosaire adressaient à Marie, dans tout l’univers, les supplications accoutumées et les prières prescrites selon l’usage. Aussi ce succès a-t-il été attribué, non sans raison, à ces prières. Grégoire XIII en a lui-même rendu témoignage, et pour qu’en souvenir d’un bienfait si extraordinaire, d’éternelles actions de grâces fussent rendues à la bienheureuse Vierge, invoquée sous l’appellation de Notre-Dame du Rosaire, il a concédé un Office du rite double majeur, à célébrer à perpétuité dans toutes les églises où il y aurait un autel du Rosaire. D’autres Papes ont accordé des indulgences presque innombrables à ceux qui réciteraient le Rosaire et aux confréries du Rosaire.
Le rosaire ne se limite pas à la récitation des prières qui le composent. En récitant chaque dizaine du rosaire, il convient de méditer sur un mystère (soit de la vie de Jésus, soit de celle de Marie). En récitant chaque dizaine du rosaire, il convient de méditer sur un mystère (soit de la vie de Jésus, soit de celle de Marie). Comme l’a souligné le pape Jean-Paul II, l’objectif du rosaire est avant tout de « contempler avec Marie le visage du Christ ». Cette contemplation fait appel à l’imagination, ce qu’Ignace de Loyola appelle une « composition de lieu » : il s’agit de reconstituer dans son imagination et de voir en esprit tel ou tel évènement de la vie de Jésus de Nazareth. Chaque dizaine est l’occasion de méditer un mystère particulier, pour prier d’en obtenir le fruit spirituel. On reconnait traditionnellement quinze mystères divisés en trois catégories : les mystères joyeux (annonciation, visitation, nativité, présentation au temple, vie cachée à Nazareth), les mystères douloureux (l’agonie de Jésus à Gethsémani, la flagellation, le couronnement d’épine, le portement de croix, la crucifixion), et les mystères glorieux (résurrection, ascension, pentecôte, assomption de Marie, couronnement de Marie au ciel). Chaque catégorie comprend cinq mystères, correspondant aux cinq dizaines du chapelet. Ceci permet de réciter une fois en entier le chapelet pour chaque catégorie de mystère, et trois fois le chapelet pour faire tous les mystères – soit un rosaire entier, composé de 15 dizaines, ou 150 prières (150 étant le nombre des psaumes).
De Babylone à Rome, en passant par les cultes égyptiens et grecs, de nombreux cultes comportaient des initiations aux mystères que seul un clergé de prêtres initiateurs avait le pouvoir de révéler aux prosélytes. L’Eglise catholique de Rome ne déroge pas à la règle et les mystères du rosaire n’en sont que la démonstration. Les cultes à mystères babyloniens étaient contrôlés par un clergé puissant. Les prêtres parvenaient à exercer une domination sans partage sur les gens du peuple en leur faisant croire qu’ils étaient les seuls à détenir les clés pour entrer en relation avec les dieux. Avant toute initiation, les prêtres confessaient les participants pour les absoudre et les purifier. Les cultes à mystères se sont répandus dans tout l’Orient : culte d’Isis et Osiris en Egypte, Cybéle et Attis en Phrygie, Adonis en Phénicie, Mithra en Iran. On a retrouvé la trace de ce même cérémonial dans le culte grec d’Apollon à Delphes, connu sous le nom de « Mystères d’Eleusis ». Voici un texte de Théon de Smyrne, écrit au IIe siècle qui explique le principe des religions à mystères : « Il y a 5 parties dans l’initiation, la première est la purification préalable, car ne doivent pas participer aux mystères indistinctement tous ceux qui le désirent, mais il y a des aspirants que la voix du héraut écarte, tels ceux qui ont les mains impures, ou dont la parole a manqué de prudence. Ceux-là même qui ne sont pas repoussés doivent être soumis à certaines purifications. Après cette purification vient la tradition des choses sacrées qui est proprement l’initiation. En troisième, vient la cérémonie de la « pleine vision » (degré supérieur de l’initiation). La quatrième, fin et but de la pleine vision est la ligature de la tête et l’imposition des couronnes, afin que celui qui a reçu les choses sacrées devienne capable d’en transmettre à son tour la tradition à d’autres, soit par la dadouchie (port des flambeaux), soit par l’hiérophanie (interprétation des mystères), soit par un autre sacerdoce. Enfin la cinquième partie est le couronnement de toutes les autres, c’est d’être ami de Dieu et de jouir de la félicité qui consiste à vivre dans un commerce familier avec lui ».
Dominique de Guzman n’a en fait rien inventé, son action fut de réactualiser une pratique satanique ancestrale, celle de la pratique des mystères religieux. Il a redonné un sens nouveau à ces pratiques païennes et idolâtres en leurs apportant un fond chrétien. Il contribua par cela, à donner son nom de Mère des impudiques : Apo 17 : 4 Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or, remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution. 5 Sur son front était écrit un nom, un mystère: Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre. Ce n’est donc pas aujourd’hui, mais du temps des cathédrales que l’Eglise catholique c’est forgée sa réputation de Grande Prostituée. Mais de les avoir conservé inscrite dans leurs livres de pierre sans les dénoncer, les rend encore plus coupable après des siècles de guerres de religions et d’oppositions systématiques à toute remise en cause de ses pratiques antéchrist.
Le portail Sainte-Anne de la cathédrale Notre-Dame de Paris est dédié à la vie de sainte Anne, la mère de la Vierge. Il est en fait récupéré de l’église antérieure à la cathédrale actuelle. Il est constitué en grande partie de pièces sculptées vers 1140-1150 pour un portail plus petit. On peut donc distinguer dans l’ornementation du portail Sainte-Anne des pièces du XIIe siècle (le tympan et la partie supérieure du linteau, deux tiers des sculptures des voussures de l’archivolte, les 8 grandes statues des piédroits, le trumeau), et d’autres du XIIIe siècle (partie inférieure du linteau et les autres statues des voussures de l’archivolte). Ce portail est donc parfaitement représentatif de l’esprit qui régnait pendant cette période médiévale.
Le premier linteau de la porte Sainte Anne est l’illustration de Jacques de Voragine et sa « La légende dorée ». La mère de Marie qui n’apparait nulle part dans la Bible est une histoire inventée de toute pièce à partir de livres apocryphes tirés des protévangile de Jacques et le Pseudo-Matthieu. La Légende dorée relate précisément la postérité de sainte Anne d’avec son second époux, Cléophas, frère de Joachim (leur fille, Marie Jacobé, épousa Alphée et ils eurent comme fils : Jacques le Mineur, Joseph le juste, Simon le Zélote et Jude), et celle d’avec son troisième époux Salomé (leur fille, Marie Salomé, épousa Zébédée et ils eurent comme fils : Jacques le majeur et saint Jean l’évangéliste). Elle est la sainte patronne des menuisiers et ébénistes du fait de cette position dans la généalogie du Christ. Il faut savoir que dans les églises, le tabernacle (ouvrage de menuiserie traditionnellement) abrite les hosties consacrées (symbole du corps du Christ). Le corps de la Vierge Marie étant donc considéré comme le premier tabernacle (ayant abrité le premier corps du Christ), et Sainte Anne étant la mère de la Vierge, elle est donc la sainte représentante de ce corps de métier. Elle apparaît souvent dans les représentations de la Sainte Famille et prend aussi le nom de sainte Anne trinitaire (Anne, Marie, Jésus comme dans La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne de Masaccio). La fin du Moyen Âge vit l’apogée de son culte, ce qu’on peut voir par exemple dans la multitude des statues montrant Anne, Marie et l’enfant Jésus, appelées « trinités mariales », en parallèle à la sainte Trinité dont elles visent à souligner le dogme trompeur tout en cherchant à le supplanter.
Le second linteau de la porte Sainte Anne est l’illustration des mystères du rosaire de Dominique et représente les scènes de la venue sur terre du Christ, allant de l’Annonciation jusqu’à l’Epiphanie. Au-dessus, le tympan présente une Vierge en majesté. Autour du groupe comprenant la Vierge majestueuse tenant Jésus-Christ enfant dans ses bras et deux anges, se trouvent deux personnages : un évêque et un roi, qui symbolise l’adoration des ordres religieux et séculier. Les mystères du rosaire représentés dans les sculptures de la base carrée de la tour, rappellent au monde terrestre (symbole carré) que la voie qui mène au ciel (symbole du cercle), est révélée dans la rosace majestueuse qui surmonte les trois portes de la trinité mariale de la cathédrale. Ainsi, le rosarium qui désigne la guirlande de roses dont les représentations de la Vierge sont couronnées, représente le rosaire dominicain, mais renvoie également à la rosace qui place la Mère de Dieu au centre de tout dans la cathédrale Notre-Dame à Paris, mère des église de France.
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